vendredi 21 novembre 2008

Memel dans Telerama


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LE MONDE BOUGE - Le départ du Vendée Globe, course autour du monde sans escale, est donné aujourd'hui des Sables d'Olonne. Armel Le Cléac'h est l'un de ces skippeurs un peu fous prêts à naviguer en solitaire pendant plus de trois mois. Seul, vraiment ? Pas si sûr, car le marin nouveau est branché en permanence au monde. Un peu de mer, beaucoup de communication…

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Armel Le Cléac'h - DR

« Bon, qu'est-ce que j'ai maintenant ? » Armel Le Cléac'h sort un tableau multicolore de sa poche. Son attachée de presse lui explique que son prochain rendez-vous aura un peu de retard, ce qui n'est pas du goût du skipper, tant son planning est serré. Les journalistes se succèdent à bord de Brit Air, le voilier bleu et blanc sur lequel il prendra le départ du sixième Vendée Globe, ce 9 novembre. Une course autour du monde en solitaire, sans escale, exceptionnelle par sa durée (le premier devrait mettre à peu près trois mois à revenir aux Sables-d'Olonne) et sa difficulté (le parcours alterne coups de tabac, houles énormes et cache-cache avec les icebergs). Souvent considérée comme l'« Everest de la course au large », l'épreuve n'a lieu que tous les quatre ans et réunit cette année trente participants (un record !), dont les plus grands noms de la spécialité : Vincent Riou, Jean Le Cam, Loïck Peyron, Michel Desjoyeaux, Roland Jourdain, Mike Golding...

Le Cléac'h s'avance en souriant vers le public qui se presse sur les pontons, signe des posters, pose pour les photos et répond avec patience aux questions les plus saugrenues (« Pas trop dur trois mois sans femme ? »). Né en 1977, ce Breton de Saint-Pol-de-Léon incarne la nouvelle génération des skippers professionnels. « Des gars qui ont suivi toute la filière des écoles de voile, explique Denis Horeau, le directeur sportif de la course. Habitués aux compétitions, aux médailles, aux médias, à être mis en avant, valorisés. C'est une culture très récente, il y a encore vingt ans, la voile était une passion, pas un métier. » Ou plutôt « des » métiers. Le pluriel s'impose car il ne suffit plus de bien sentir le vent pour être à la barre d'un voilier de course. Les skippers ne passent plus que 30 % de leur temps sur l'eau ! Le reste est consacré à démarcher des sponsors, peaufiner la conception du bateau avec des architectes navals, surveiller la construction, gérer sa petite société. Sans parler de la communication : « Presque aussi importante que la performance ! assure Le Cléac'h. Evidemment, comme tous les skippers, je cours pour gagner, mais pour Brit Air et mes autres partenaires il est essentiel que je sois largement médiatisé. Cela fait partie du contrat. On ne peut plus la jouer taiseux ou rugueux comme au temps des Tabarly et des Kersauson... Quand on a la chance de faire un métier qui fait rêver, il est normal de faire partager un peu de cette aventure au grand public. »

Surnommé « le Chacal » pour sa ténacité en course, le jeune homme sait faire patte de velours devant un micro ou une caméra. Apprendre à éviter les questions tordues et à citer ses sponsors. Mais cela ne suffit plus. Chaque concurrent du Vendée Globe doit désormais fournir des images au PC Course deux fois par semaine. Et surtout pas n'importe quoi ! Avec cinq caméras fixes et mobiles ainsi qu'un petit banc de montage sur son ordinateur, Le Cléac'h pourra réaliser des sujets sonorisés, prêts à être diffusés. Il devra également envoyer quotidiennement des photos et des vidéos pour alimenter les sites Internet de ses sponsors, participer à des visioconférences, à des chats, intervenir en direct dans certaines émissions radio et accessoirement tenir deux blogs !

La Volvo Ocean Race, concurrente anglo-saxonne (en équipage) du Vendée Globe qui a débuté le 4 octobre dernier, est allée plus loin en imposant un cameraman sur chaque bateau pour suivre au plus près la vie à bord. La télé-réalité serait-elle au coin de la vague ? « Non, répond Le Cléac'h, décidément professionnel, la magie du Vendée tient beaucoup à son mystère ; passé le cap de Bonne-Espérance, on entre dans ce que Titouan Lamazou (le premier vainqueur de la course en 1990) appelle "le pays de l'ombre" ; il faut savoir débrancher, surtout ne pas tout montrer. »
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Stéphane Jarno
Source : Télérama n° 3069

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